Hôpital en crise : quand le droit pénal impacte le quotidien des soignants par Décideurs MAaazine
Le cabinet Tamburini-Bonnefoy, fréquemment sollicité dans des dossiers de droit pénal de la santé, est chaque fois marqué par la grande souffrance des soignants et tente, par son accompagnement juridique, d’apporter une réponse à la mesure de la particularité de ces affaires toujours sensibles.
L’hôpital est de plus en plus fréquemment le terrain d’infractions volontaires commises par les patients ou leurs proches à l’encontre du personnel hospitalier. Ce dernier, déjà fragilisé par un mode d’exercice malmené, hésite moins souvent à porter plainte pour voir reconnaître la souffrance qui résulte de ces infractions. Parfois, les professionnels de santé, en cas de remise en cause de leur prise en charge, doivent à leur tour répondre devant la justice pénale d’infractions involontaires. Beaucoup plus rarement, l’hôpital est bien malgré lui le terrain d’infractions volontaires les plus graves dont la médiatisation porte atteinte à son image.
Ainsi, les infractions d’outrage (article 433-5 du code pénal.: paroles, gestes ou menaces, écrits ou images de toute nature non rendus publics ou envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie), de menace de crime ou délit contre une personne chargée d’une mission de service public (article 433-3 du code pénal), les actes d’intimidation envers les professionnels de santé pour qu’ils accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction (article 433-3-1 du code pénal), voire les violences physiques (article 222-13 du code pénal) ou même homicides volontaires (article 221-4 du code pénal) sont sanctionnés par une peine aggravée du fait de la qualité de la victime – un professionnel de santé dans l’exercice ou du fait de ses fonctions.
La difficulté de la défense des professionnels de santé tient alors notamment au fait que le magistrat, à qui il revient de qualifier souverainement les faits, s’appuiera sur un rapport d’expertise rendu à l’issue d’opérations non contradictoires, le ou les experts étudiant le seul dossier médical, sans obligation d’entendre le professionnel mis en cause.
Dans un dossier en cours défendu par Tamburini-Bonnefoy, il est par exemple reproché à un chirurgien viscéral et digestif, appelé en pleine nuit alors qu’il était d’astreinte à domicile, pour un patient opéré par un confrère, d’avoir, au vu des informations transmises par l’anesthésiste, préconisé un transfert dans un autre établissement de santé, en l’espèce depuis une clinique privée vers un CHU, sans avoir vérifié par lui-même, sur place, l’état du patient. La défense consiste alors à démontrer l’absence de faute qualifiée.: la décision de transfert immédiat, médicalement légitime, y compris sans examen préalable compte tenu de la chronologie de la prise en charge, n’a aucun lien de causalité certain avec le décès. Si par extraordinaire une perte de chance de survie était imputée à la prise en charge du chirurgien d’astreinte, elle serait exclusive de toute responsabilité pénale.
De manière exceptionnelle, l’hôpital peut être le terrain d’infractions volontaires commises par son personnel. Les dossiers sont rares, leur retentissement est majeur, là encore d’abord pour les victimes dont la confiance est trompée par l’autorité du médecin. La structure hospitalière et son personnel ne sont cependant pas épargnés par un préjudice d’image et de réputation.
Tamburini-Bonnefoy a ainsi récemment eu à défendre un centre hospitalier, partie civile aux Assises dans un dossier de viol aggravé et agressions sexuelles commis par un praticien de l’hôpital, dans et hors les murs de l’établissement, au moyen de l’administration d’un hypnotique sédatif qu’il s’était fait remettre par du personnel hospitalier. Le médecin a été déclaré coupable de viol et agressions sexuelles avec les circonstances aggravantes de violence et d’abus de l’autorité conférée par ses fonctions. Il a fait appel de sa condamnation à quinze ans de réclusion criminelle assortie notamment d’une interdiction définitive d’exercer une profession médicale ou paramédicale.
Nous avons fait valoir la qualité de victime de l’établissement et de son personnel, parties civiles, et les avons accompagnées tout au long d’une session très éprouvante.
Cette affaire n’est malheureusement pas isolée et ce ne sont pas moins de 312 victimes qui feront valoir leurs droits lors d’un procès d’Assises à l’automne 2024, à l’encontre d’un chirurgien déjà incarcéré pour plusieurs viols sur mineurs.
LES POINTS CLÉS
- les violences envers les professionnels de santé ont augmenté de près de 23 % en 2022 par rapport à 2021.
- 37 % des professionnels de santé disent avoir été victimes d’actes de violence en 2022.
- 32 % des médecins victimes d’agressions disent avoir déposé plainte en 2020, proportion qui tombe à 20 % en cas d’agression verbale.
- les médecins victimes d’agressions sont presque équitablement répartis entre hommes (47 %) et femmes (53 %).
SUR L’AUTEUR
Catherine Tamburini-Bonnefoy, avocat depuis vingt-cinq ans, offre à ses clients une expertise exclusivement dédiée à la responsabilité médicale. L’équipe de Tamburini-Bonnefoy, composée de neuf avocats à Paris et à Montpellier, défend les établissements de santé publics et privés et leur personnel, les praticiens libéraux et les assureurs devant les juridictions civiles, administratives, pénales et disciplinaires.